One Two, Many

6 Décembre – 15h30

Projection / Rencontre avec Manon de Boer

Dans le cadre du projet Les Yeux Verts, proposition de Pascale Cassagnau pour la Collection Lambert.

Artiste hollandaise, résidant à Bruxelles, Manon de Boer fait de son cinéma et des films son territoire fondamental de création, d’expression. Ses premiers films silencieux, Robert et Laurien (1997) sont des portraits cinématographiques, projet qui s’est poursuivi jusqu’en 2001.  A l’inverse, Switch (1998),   Attica  ( 2008) sont davantage des films sur le son, la musique et la psalmodie. Presto et Perfect Sound sont des films autour de Bela Bartok, pensés en parfaite complicité intellectuelle avec la compagnie Rosas et la chorégraphe Anna Teresa de Keersmaeker, ainsi qu’avec l’interprète George van Dam. Ses portraits de musiciens et de musiques sont des expérimentations de formes filmiques, expérimentant des formes temporelles.

Chez Manon de Boer, les espaces multiplient les niveaux de sens et de récit, tissant entre eux des relations d’incertitude qui définissent un cinéma dés-identifié, mis à distance de lui-même. Telle est la qualité et la force des espaces filmiques contemporains : leur qualité d’objets inchoatifs en fait des espaces de déchiffrement complexes d’histoires plurielles, fragmentaires, hétérogènes.

One, Two, Many (22′, 2012) est une œuvre conçue pour la Documenta 13 de Kassel qui poursuit l’exploration des espaces d’écoute et d’interprétation de la musique passant à travers des corps. Trois grands mouvements composent l’œuvre : un premier travelling avant fait monter à l’image le portrait en gros plan d’un interprète- flûtiste filmé en train de chercher son souffle, de le sculpter, d’en explorer le grain. Un deuxième mouvement -séquence fait entendre la voix de Roland Barthes enregistrée lors des derniers cours du Collège de France consacrés à Comment vivre ensemble. Le fragment du cours porte sur les relations qui unissent pensée et voix. Enfin, un dernier mouvement est un travelling latéral en boucle qui met en scène un chœur de chanteurs interprétant Tre canti popolari de Giancito Scelsi tandis que quelques personnages tournent autour du chœur en élaborant une sorte de ronde inorganisée, plongés dans une écoute singulière. Si Roland Barthes définit « l’idiorythmie » comme « des agglomérats. Chaque sujet y a son rythme propre. », dans l’œuvre de Manon de Boer l’idiorythmie est exactement une forme médiane, utopique, édénique, idyllique » une esthétique de la distance des corps dansants et chantants, selon l’idiorythmie de chacun dans son écoute, sa compréhension, sa perception du chant vocal.