19.05 – 05.09.2021
Second volet de la programmation artistique Playground
Les œuvres présentées dans cette deuxième exposition du programme Playground, dédié aux œuvres de la Collection Lambert, ont un point en commun : avoir été créées en 1988. À travers l’arbitraire du choix d’une date particulière apparaissent pourtant de nombreuses questions. Certaines sont liées à la constitution d’une collection d’œuvres d’art — de celle d’un marchand-collectionneur en particulier —, d’autres aux scènes existantes ou émergentes dans un espace temporel déterminé, ou encore à la mémoire du temps et des événements que les œuvres embarquent avec elles, aux liens qu’elles entretiennent avec la société dans laquelle elles naissent et s’épanouissent, à nos côtés.
Les deux Date Paintings d’On Kawara de 1988 témoignent à elles seules de l’existence physique et sensible d’un artiste dans son époque au moment de leur création. Elles sont ces deux morceaux de temps auxquels se rattachent des éléments intimes ou collectifs de nos vies communes. Elles sont l’expression d’une mémoire qui pourrait n’être scandée que par certaines dates sauvées de l’oubli, réactivées de manière aussi abrupte que poétique sur les murs d’une salle de musée.
1988 est certainement l’une des dates qui revient le plus souvent dans la vie de marchand et de collectionneur d’Yvon Lambert car elle marque à la fois l’inoubliable exposition de Jean-Michel Basquiat dans sa galerie parisienne — la première en France pour lequel l’artiste a produit des œuvres spécifiques — et la mort à 27 ans de celui que le monde de l’art, sous les mots de Rene Ricard, nommait The Radiant Child. Elle symbolise une période charnière qui voit, en Europe et aux USA, la peinture revenir d’un monde des morts où certains l’avaient trop rapidement expédiée. En témoigne ici la présence de Robert Combas et Loïc Le Groumellec.
Elle voit une certaine photographie investir définitivement le monde de l’art, à travers le geste d’hommes et de femmes qui se définiront comme des artistes — tel Andres Serrano, Louise Lawler ou Louis Jammes — utilisant le médium qu’ils considèrent comme le mieux à même de questionner nos rapports à l’image dans une société ultra médiatique.
1988 est assurément encore le terrain de jeu des artistes issus des nouvelles avant-gardes des années 1960 — l’art minimal et conceptuel, le land art — tels Sol LeWitt, Joseph Kosuth ou Jonathan Borofsky, et nous prouve ainsi qu’il est inopérant de s’obstiner à considérer l’histoire de l’art à travers la seule linéarité du passage du temps qui verrait se succéder mouvements et scènes artistiques. Il est davantage intéressant de remarquer comment dans une même année des scènes émergent aux côtés de gestes plus anciens avec lesquels elles coexistent, que ce soit par la rupture, la réappropriation, l’inspiration, le dialogue.
Liste d’artistes :
Jean-Michel Basquiat, Jean-Charles Blais, Jonathan Borofsky, Robert Combas, Federico Guzmán, Louis Jammes, On Kawara, Anselm Kiefer, Joseph Kosuth, Louise Lawler, Loïc Le Groumellec, Sol LeWitt, Kay Rosen
À propos de Playground
Dans le texte qu’il écrivait pour l’inauguration de la Collection Lambert en 2000, Alfred Pacquement évoquait une collection still alive — en référence aux célèbres télégrammes envoyés par On Kawara aux personnalités du monde l’art. Il racontait une collection toujours vivante, qui questionnent en permanence l’actualité contemporaine et se met à l’épreuve du temps en refusant la part de morbidité inhérente à toute muséification.
En écho à cette réflexion, Playground s’entend comme un programme d’expérimentation et de jeu appliqué aux différentes manières d’envisager l’exposition d’une collection. En référence à certaines pratiques radicales de l’exposition dans les années 1980, nous explorerons l’idée que de nouvelles relations sensibles et de nouveaux regards peuvent naître de l’arbitraire de règles inhabituelles et parfois absurdes, et offrirons en partage une collection still alive !
Dossier de presse – 1988