Origines d’un monde
25 mars – 28 mai 2023
S’engouffrer dans le sous-sol de la Collection Lambert pour y découvrir les œuvres de Reeve Schumacher pourrait s’apparenter à une expérience mystique ou au rêve éveillé d’un voyage à travers le temps. On en ressort transformé, indéniablement.
L’imaginaire des origines du monde qu’on y rencontre fait s’entrechoquer les visions hallucinées de paysages dont les contours se dessinent à travers les vestiges glanés par l’artiste dans son environnement proche.
Depuis d’alcôve de pierre située à l’entrée, résonne le crépitement d’un disque vinyle entaillé par lui et dont la symphonie bruitiste nourrit notre cheminement, tel le flux d’énergie ininterrompu d’un organisme dont nous accompagnons l’existence, pas après pas.
Des centaines de mètres de cordes de pêcheurs ont envahi l’espace et s’entrelacent en de savantes formes aux allures de talisman. Nous les envisageons comme un seuil depuis lequel nous apparaît l’étrange lumière tournoyante provenant du cœur de l’exposition.
Tels des porteurs de lumière éclairant notre présence de leur rayonnement sidérant, deux totems constitués d’un assemblage d’enceintes et de tubes de lumière fluorescente ont été suspendus de part et d’autre de l’espace et semblent nous encercler. Dans un mouvement rotatif infini dont l’allure varie au gré de la partition inventée par l’artiste, ils embarquent à leurs côtés nos corps et nos esprits ébahis, entêtés par la mélodie qui jaillit de la danse effrénée de ces objets étrangement familiers. Il semblerait que se raconte là toute la mémoire du cosmos.
Plus loin, le masque d’un chaman s’offre à nous, posé contre le mur comme un vestige capturé par quelques musées ethnographiques. On pense un moment à son histoire — indéfinissable — avant d’espérer que l’artiste s’en empare un jour pour poursuivre l’expérience initiée par l’exposition. Il est d’ailleurs là, dans notre dos, le personnage principal d’une double vidéo dans laquelle on le découvre voltigeant dans les airs, parfois ailé des plumes d’un étrange animal ou dansant dans le désert. Il laisse échapper de sa transe des jets de peintures qui laisseront au sol de curieuses traces en forme de spirale.
Chacune à sa manière, les formes déployées dans les lieux par Reeve Schumacher constituent l’élément vibrant d’un ensemble en constante évolution et dont le flux affecte la manière dont nous percevons l’espace et le temps qui s’y déploient. Elles nous accompagnent dans cette cérémonie initiatique inventée par l’artiste comme pour nous rappeler que « l’art est ce qui rend la vie plus intéressante que l’art » (Robert Filliou).
Ashes to Ashes…
Commissaire de l’exposition : Reeve Schumacher, Stéphane Ibars et Mélanie Bellue