Andres Serrano

Ainsi soit-il

20 déc. 2015 – 12 juin 2016

Né à New York en 1950, Andres Serrano est originaire du Honduras et d’Haïti. Depuis 30 ans, ses photographies font le tour du monde avec des expositions dans les plus grands musées. Yvon Lambert a été le premier marchand français à s’intéresser à lui et à déceler chez le photographe ce rapport très fort avec la culture européenne et l’art ancien. Ainsi c’est tout naturellement que la Collection Lambert s’est engagée aux côtés de l’artiste dans de nombreuses expositions et productions d’œuvres depuis 2006 en France et à l’étranger (Avignon, Paris, Moscou, Vence).
Alors que notre musée célèbre cet artiste emblématique de la photographie contemporaine, les Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique lui consacreront une grande rétrospective à Bruxelles à partir du mois de mars 2016.

L’exposition actuelle est un nouveau volet d’une collaboration qui se poursuivra à l’été 2016 avec un projet inédit.

La puissance du classicisme au service d’une œuvre ancrée dans son temps
Andres Serrano traîne dans son sillage une réputation sulfureuse que nous n’avons pas tenté de dissimuler dans cette exposition – des oeuvres fortes et célèbres y sont présentées. Comme le disait le philosophe allemand Theodor Adorno : « L’art ne se maintient en vie que par sa force de résistance sociale ». Si Le Caravage, Rembrandt, Courbet ou Goya ont pu choquer en leur temps, ils ont été reconnus plus tard tels des génies précurseurs qui ressentaient l’impérieuse nécessité de devancer leur époque par des prouesses techniques ou par des changements radicaux de représentation liés à l’air du temps ou au goût établi d’une époque, avant de faire école et rayonner au panthéon des plus grands. L’histoire de l’art n’a avancé qu’avec des artistes trublions et non-conformistes, cela est d’autant plus vrai quand la frontière qui séparait l’art ancien et l’art contemporain n’a plus de raison d’être, comme la présente exposition en fait la démonstration.
Si cette oeuvre éminemment politique nous trouble et nous fascine par sa force de représentation tel un miroir de notre monde actuel – et de la société américaine en particulier – elle doit aussi être déchiffrée à travers des références permanentes à l’histoire de l’art, celle de la peinture classique et baroque notamment. Il faut garder en mémoire ces deux voies pour mieux comprendre toute la consistance de ce travail photographique.
D’un côté se révèle l’inquiétant visage d’une Amérique qui, en entrant dans ce troisième millénaire, apparaît encore plus conservatrice, radicale et sectaire qu’on l’imaginait – elle tente fort heureusement aujourd’hui de montrer une image plus apaisée et réconciliée avec le monde. De l’autre, se confirme l’attirance du regard de l’artiste vers les grands maîtres du passé dont Serrano ne retient que la face la plus sombre (on pense à Titien et Delacroix, Tintoret, Velásquez mais aussi Goya, El Greco, Zurbarán, Géricault ou Courbet).
L’exposition présente des séries anciennes, celles des Fluids, des Nomads, de Church, du Ku Klux Klan (il faut imaginer cet artiste noir se retrouvant devant son objectif avec des Blancs ayant fait voeu d’éliminer les représentants de la population afro-américaine), des Objects of Desire (où il traite les armes à feu comme d’étranges natures mortes), de la Morgue ou de la Comédie Française (produite en 2007 par la Collection Lambert) et celle plus récente réalisée à Cuba après le décès de sa mère, telle une nécessité de se rapprocher, enfin, de ses origines de descendant d’esclaves venus d’Haïti et Cuba où la ferveur chrétienne a toujours été associée à des traditions vaudou. Enfin la toute dernière série réalisée dans la Chapelle Matisse à Vence fera écho à celle réalisée il y a plus de vingt ans dans la Basilique Sainte-Clotilde à Paris.
Tout le rez-de-chaussée du musée est ainsi consacré à cette exposition, le niveau -1 étant lui réservé aux adultes où Andres Serrano présente trois séries comme autant de chapitres de l’Enfer de Dante.

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