5 Avril – 15h30
Projection / Rencontre avec Douglas Gordon, Jonas Mekas
Dans le cadre du projet Les Yeux Verts, proposition de Pascale Cassagnau pour la Collection Lambert.
« Depuis 1950, je n’ai cessé de tenir mon journal filmé. Je me promenais avec ma Bolex en réagissant à la réalité immédiate : situations, amis, New York, saisons. Certains jours, je tournais dix plans, d’autres jours dix secondes, d’autres dix minutes, ou bien je ne tournais rien. (..) La bande-son utilise les sons enregistrés à la même époque : voix, métro, bruits de rues, un peu de Chopin et d’autres sons, significatifs ou non. » Jonas Mekas décrit ainsi en 1969, à propos de son film Walden (Diaries, Notes & Sketches) ce qui constitue la nature même de son œuvre : l’expression d’une subjectivité, à travers la constitution d’une archive du temps présent. Je n’avais nulle part où aller est le journal de Jonas Mekas traduit en français et édité chez P.O.L. en 2004, portant sur les dix premières années de la vie nomade de Mekas à travers l’Europe, pour fuir l’emprisonnement et les camps de travail.
La création sonore À Pétrarque, Mon journal intime sonore, (2003, 63’) est une sorte de journal intime rétrospectif par lequel le cinéaste revisite son propre travail, qu’il a conçu comme une traversée au long cours composée de 54 fragments autobiographiques. « On pourra regarder, ou plutôt écouter, comme un journal sonore, cousin de mon journal filmé, la structure du projet étant similaire à celle que j’ai toujours suivi pour tenir mon journal filmé. » écrit-il.
Avec le film I had nowhere to go, libre adaptation du récit autobiographique de Jonas Mekas, Douglas Gordon met en exergue le temps et la méthode propre au cinéaste et réalise un portrait cinématographique. exercice du portrait est proche du premier opus consacré à une figure inclassable du XXIe siècle, Zidane, Un portrait du XXIème siècle réalisé avec Philippe Parreno en 2004
I had nowhere to go est un film sans images, dont le récit est porté par la voix du cinéaste. Cet exercice patient prend la forme d’un quasi essai proustien de synesthésie qui cherche à faire correspondre des couleurs à des souvenirs et à des émotions. Le film évoque de bout en bout l’impensé et l’irreprésentable de la migration, de l’exil, de la barbarie nazie, à travers le récit d’une longue fuite-traversée de l’Europe vers les États- Unis.
Pour Douglas Gordon, la genèse du film réside notamment dans le souvenir d’une œuvre ancienne réalisée en 1996 à Vienne, Raise the dead (Réveillez les morts),sous la forme d’une inscription en lettres blanches sur la façade de la Kunsthalle. Cette première évocation en 1996 de la culture des vampires et des traumas liés aux barbaries du XXe siècle fait écho à nouveau dans le film réalisé avec Jonas Mekas à la levéedu souvenir et à la réminiscence de l’errance.